Immigration clandestine à Zinder Des migrants témoignent…

Article : Immigration clandestine à Zinder   Des migrants témoignent…
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12 octobre 2012

Immigration clandestine à Zinder Des migrants témoignent…

En route sur Agadez!

Des rêves qui se changent en cauchemars, des vies tranquilles devenues infernales, tel est le sort de milliers de jeunes Ghanéens, Nigérians ou Camerounais des deux sexes qui tentent désespérément d’atteindre l’Europe. Perdus pour l’Afrique et vomis par l’Occident. Zinder voit passer chaque semaine des dizaines de ces migrants qui n’ont qu’une envie : partir, quel qu’en soit le prix !

De jeunes filles, maquillées à outrance et habillées de façon suggestive, squattent la devanture d’un débit de boissons du quartier Toudoun Jamous, au centre-ville de Zinder. Au premier coup d’œil, il est clair qu’il s’agit de prostituées, originaires du Nigeria voisin. Les Zindérois les observent, mécontents. « Ces filles n’ont pas leur place ici », crache, dégoûté, un imam de la place.

Elles sont des dizaines à faire ce métier, forcées par leur rêve et leur misère, désireuses de continuer vers l’Algérie ou la Libye via Agadez. En vérité, elles n’ont aucun choix. Ayant quitté leur Nigeria natal avec juste ce qu’il faut pour payer leur transport et soudoyer les gardes-frontière, elles se rendent vite compte que, malgré les assurances du passeur, leur petit pécule ne leur permettra pas de se rendre loin. « Francis nous avait pourtant dit que le voyage était très facile pour aller en Espagne, raconte une Nigériane d’à peine 18 ans qui pratique le plus vieux métier du monde à Zinder. Il me fallait juste un peu d’argent pour payer le transport et la bouffe en cours de route. »

En route pour l’Europe, plusieurs – filles et garçons – font une escale obligée dans la capitale du Damagaram. En panne d’argent et d’amis, beaucoup de filles en sont réduites à vendre leur corps alors que les hommes acceptent, eux, de recourir à divers expédients, dont le vol n’est souvent que la manifestation la moins violente.

Marquées au fer rouge du besoin, beaucoup de ces filles, dans la fleur de leur jeunesse, sont pourtant instruites et n’auraient jamais songé vivre un tel enfer. « Je viens d’obtenir ma licence en droit public et mon rêve c’est de poursuivre mes études en Europe, explique Joys, 21 ans, elle aussi originaire du Nigeria. Je ne suis pas une prostituée mais il me faut bien survivre. Chose certaine, je n’oublierai jamais cette traversée ». Elle explique que c’est une amie qui l’a mise en contact avec un passeur de migrants surnommé Bogoss. Le passeur finançait le voyage jusqu’au Maghreb mais en échange, les candidates se devaient de suivre ses consignes. L’une de ces consignes stipulait clairement qu’elles devraient ‘’ travailler ‘’ pour lui auprès de ‘’clients’’ en quête de plaisir. « Je n’avais pas le choix, soupire Jos, et j’ai accepté. »

Bogoss, son patron, l’héberge depuis avec les autres dans une maison de Zinder, à charge pour elle et ses compagnes de le rembourser pour sa ‘’générosité’’. Certaines nuits, elle parvient à remettre 8 000 Fcfa à son patron. « Les clients ne manquent jamais, confirme-t-elle, la mine serrée, réprimant une moue de dégoût. Les clients sans préservatif payent 2 500 francs et 1000 francs avec. »

Lorsqu’on lui demande ce qui l’a poussée à tenter cette inhumaine traversée, elle parle tout de go d’une voisine de son quartier qui, manifestement, gagne bien sa vie en Belgique. « Elle a construit une belle villa et acheté un joli véhicule à sa famille, raconte-t-elle, une étincelle dans les yeux. Ses frères fréquentent l’école la plus chère de ma région et tout cela après seulement deux ans en Europe. N’est-ce pas tentant ? »

Intelligente, Joys dit mesurer les risques qui l’attendent. « Mais il faut que j’y aille, dit-elle. Je ne peux plus vivre dans cette indigence. J’ai laissé ma famille dans une grande misère et il faut absolument que j’arrive en Europe. J’ai planifié mon voyage sur cinq mois. Arrivé à destination, je ferai n’importe quel boulot, serveuse par exemple, afin de payer ma scolarité. J’ai même déjà envoyé mes papiers aux ressortissants de mon pays qui vivent là-bas ! »

Félix, jeune Camerounais de 35 ans originaire de Garoua a vu son rêve se transformer en cauchemar à Zinder. Escroqué par des gens sans scrupules, ne sachant que faire et sans aucun revenu, il a été pris en flagrant délit de vol dans un quartier de Zinder. Il a été sauvé in extremis des mains de la populace qui voulait le lyncher.
Libéré quelques semaines plus tard, il témoigne : « Je suis titulaire d`un diplôme d’enseignement primaire et mon projet est de partir au canada enseigner ou faire n’importe quoi ! »

Abedi T., un jeune Ghanéen originaire de Accra confirme. « J’en suis à ma cinquième tentative d’immigration et toujours j’échoue à partir de Dirk ou, explique-t-il, brisé moralement par les rigueurs du voyage. Mon avant-dernier voyage date de janvier 2007. Après avoir travaillé quelques jours au service dans un restaurant de Zinder, j’ai continué mon chemin sur Agadez, où j’ai été escroqué par un trafiquant de migrants. Il a fallu que ma femme se prostitue pour avoir de quoi survivre et poursuivre notre route. Mais, vous voyez, on a lamentablement échoué ! »

Abdoul Razak Tallé

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